Voilà plus d'une semaine qu’un accord politique sur la reprise de l’Usine du Sud a été conclu entre le Collectif USUP, les coutumiers, la province Sud, la province des Îles Loyauté, les indépendantistes et les loyalistes. Décryptage sur les points essentiels de cet accord qui fixent les bases d’un nouveau modèle d’exploitation des gisements du Grand Sud.
*Le pays récupère les titres miniers
Gisement de latérite de classe internationale, les titres miniers du massif de Goro sont, à ce jour, détenus par Vale-NC. Le montage initial de reprise maintenait ces titres dans le patrimoine de Prony Ressources. Cependant, l’accord politique signé le 4 mars en a décidé autrement.
Sous la pression du Collectif USUP, ferveur défenseur d’une maîtrise des ressources par le pays, les titres miniers seront transférés à Sud Nickel, société qui représentera les intérêts calédoniens avec pour actionnaires : la province Sud via sa filiale Promosud (85%), la province des îles Loyauté (5%) et un Fond de prévention des risques environnementaux et socioculturel « FPRESC » porté par les populations locales (10%).
Le modèle retenu est celui de l’amodiation. Autrement dit, Sud Nickel louera au repreneur le droit d’exploiter le "diamant" de Goro en contrepartie de l'acquittement d’une redevance. Une façon pour la collectivité publique de valoriser la ressource quelle que soit la rentabilité de l’usine.
*Un nouvel actionnariat
L’actionnariat de Prony Ressources déclaré en mi-décembre 2020 auprès de la province Sud se composait de la SPMSC société des trois provinces (30%), d’une entité représentant l’actionnariat salarial (21%), du négoce Trafigura (19%) et de la Compagnie financière de Prony « CFP » présidé par Antonin Beurrier (30%).
L’accord modifie trois points essentiels :
1) Le repreneur sera dénommé « GORO Ressources » et non plus Prony Ressources, pour se distinguer du schéma de reprise initial qui a crispé le pays pendant des mois
2) L’actionnariat salarial de 21% voit sa participation réduite à hauteur de 12% pour permettre au FPRESC d’acquérir 9%
3) Enfin, Antonin Beurrier a été, ni plus ni moins, exclu du nouvel actionnariat le faisant ainsi disparaître de la CFP et de la future équipe managériale, évincement pressenti dans notre article du 13 février. C’était, d’après nos sources, une demande forte des représentants USUP contre celui qui, selon ces derniers, désirait coûte que coûte imposer son modèle de reprise sans aucune considération pour les revendications du collectif.
Les participations des actionnaires calédoniens (SPMSC, actionnariat salarial et FPRESC) représentant au total 51% ont été sacralisées par une clause de non-dilution.
A noter également la présence de Trafigura dotée néanmoins d'une participation minoritaire dans le capital de Goro Ressources. Son apport est d’abord financier (10 milliards sur les 120 milliards de francs qu’impliquent la reprise) mais il est aussi envisagé sous l’angle de la commercialisation du produit NHC, son cœur de métier, et d’un point de vue industriel grâce à l’expertise de sa filiale finlandaise Terrafame (industriel hydrométallurgique). Tesla, producteur mondial de batteries pour véhicules électriques et donc consommateur de NHC, apportera également ses conseils d’ordre technique sans pour autant truster une quelconque participation dans le nouveau montage.
*Aucun partenaire industriel pour l’instant
Une expertise nécessaire pour garantir une reprise de l’activité car, pour l’heure, aucun industriel contacté ces dernières semaines n’a voulu s’engager. Nul doute que le contexte tendu actuel y est pour quelque chose. Mais de toute évidence, les signataires de l’accord n’ont pas du tout écarté l’éventualité de trouver, d’ici là, un partenaire industriel capable de maîtriser le process hydrométallurgique pour valoriser la ressource au mieux (relancer la raffinerie produisant l'oxyde de nickel par exemple) et limiter les risques d’incident industriel qui pèsent sur la biodiversité. Cela correspondait, là aussi, à une préoccupation centrale du collectif.
*Un montage provisoire
Seulement deux lignes dans cet accord mais qui actent une décision importante, celle d’établir un bilan en 2024 sur la base duquel il pourra être décidé de rechercher de nouveaux partenaires industriels. En d’autres termes, si dans trois ans les résultats industriels et financiers ne sont pas au rendez-vous, les signataires ont convenu que le montage résultant de cet accord pourra être modifié, dont en premier lieu la présence de Trafigura (et de l’expertise de sa filiale finlandaise).
*Les garanties environnementales
Sur ce sujet, des avancements majeurs avaient été enregistrés suite à la table ronde du 12 janvier. L’accord vient ici garantir l’application des plus hauts standards internationaux en matière de protection de l’environnement, la commande de sept expertises complémentaires sur l’état du barrage KO2, la réalisation du projet Lucy en 2024 et la création d’un comité des risques présidé par un représentant de la SPMSC.
L’ensemble des points abordés dans cet accord nécessite maintenant d’être mis en œuvre par chacun des signataires et acteurs concernés. Un comité de suivi a été créé à cet effet et devra se réunir selon un calendrier précis. Qui sort gagnant de ce dossier ? La réponse sera variable selon la position de chacun. Une chose semble toutefois évidente : d’une transaction qui pour beaucoup ne devait concerner que la multinationale Vale, la banque Rothschild et le futur acquéreur, finalement la reprise de l’usine du Sud a été conditionnée et définie par les Calédoniens au travers des signataires politiques, institutionnels et coutumiers de cet accord.
Télécharger ici l'accord politique du 4 mars 2021
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