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  • Photo du rédacteurEnzo

Dégagisme politique : Nicolas Metzdorf estime que les signataires de 1998 ne sont plus légitimes

Dernière mise à jour : 25 juil. 2022

Dans un article des Nouvelles Calédoniennes paru hier, Nicolas Metzdorf revient sur son audition et celle de Philippe Dunoyer cette semaine devant la mission d’information du Sénat, laquelle avait effectué un séjour en Nouvelle-Calédonie fin juin. Le député de la 2nde circonscription se confie au premier quotidien du pays et ne mâche pas ses mots à l’égard de la décision des indépendantistes déclinant l’invitation au Comité des signataires de septembre prochain. Le dégagisme politique continue de plus belle.



Refus d’évoquer toute solution hors de la République, ouverture du corps électoral provincial, remis en cause des « droits coutumiers »…. jusqu’ici, rien de nouveau sous les cocotiers. Le discours de N. Metzdorf est bien rodé. Orientations qui clivent et positions radicales restent les ingrédients de la doctrine loyaliste qui arrose les Calédoniennes et Calédoniens chaque semaine depuis les médias. Mais lorsque le quotidien aborde le refus des indépendantistes de participer au Comité des signataires annoncé par le ministre Gérald Darmanin, l’ancien maire de La Foa va jusqu’à remettre en cause la légitimité des signataires de l’Accord de Nouméa :


« Se pose la question de savoir aujourd’hui si les signataires sont encore légitimes politiquement en Calédonie… Je ne le crois pas. La classe politique a été renouvelée » (Nicolas Metzdorf, Les Nouvelles Calédoniennes, 22 juillet 2022).


Evidemment, les signataires non-indépendantistes n’étaient pas visés ici. Entre Jacques Lafleur, Pierre Frogier, Simon Loueckhote, Harold Martin, Jean Lèques et Bernard Deladrière, deux d’entre eux ne sont plus de ce monde aujourd’hui. Les autres n’exercent plus aucun mandat électoral hormis le sénateur Frogier dont les rares sorties publiques peuvent paraître « surprenantes ». Sur ce constat, leur légitimité politique pose effectivement question. Mais que s’est-il passé ?


Premièrement, il faut rappeler qu’en 1998 l’ensemble de ces responsables ont signé au nom du « RPCR », seul et unique appareil politique fédérant les partisans en faveur du maintien dans la France. 24 ans après, le contexte n’est plus du tout le même : Le Rassemblement-LesRépublicains (héritier du RPCR), Calédonie Ensemble, Les Républicains Calédoniens, Génération NC, le MPC, le MRC, le Rassemblement national etc… Il existe aujourd’hui un foisonnement de partis loyalistes qui, au gré des opportunités qu’offrent chaque élection locale ou nationale, décident de se regrouper tout en écartant certains pour ensuite mieux se détester et former d’autres unions. C’est l’exemple récent du regroupement dénommé « L’Avenir en Confiance » créé à l’occasion des élections provinciales de 2019 pour contrer l’hégémonie de Calédonie Ensemble. Coup de théâtre pour les législatives de 2022, le regroupement se compose cette fois-ci avec Calédonie Ensemble, mais sans le Rassemblement-LesRépublicains de Thierry Santa. En effet, le camp non-indépendantiste a beaucoup évolué en seulement quelques années et n’est plus aussi stable qu’autrefois, comme en témoignent les alliances qui se font et se défont à chaque élection. Comment les signataires RPCR de 1998 pourraient donc se prévaloir d’une certaine légitimité en 2022 ? Sachant, en outre, que le Rassemblement-LesRépulicains, héritier historique du RPCR, ne pilote plus une seule institution du pays. La réponse paraît évidente !


Deuxièmement, les Calédoniens constateront que les signataires RPCR vivants n’exercent plus de mandat électif aujourd’hui (hormis le sénateur Pierre Frogier) et n’ont, par ailleurs, aucune responsabilité militante au sein de leur parti respectif. La raison est toute simple. C’est le fruit d’un travail long et acharné de la nouvelle génération loyaliste qui a su, à travers un dégagisme politique décomplexé et assumé, balayer leurs aînés pour les pousser vers la porte de sortie. Parce que « l’heure était venue », probablement. Mais, surtout, parce que cette jeune génération ne se sent en aucun cas héritière de ce qui a été fait depuis ces trente dernières années. Plus personne n’assume la signature de l’Accord de Nouméa. C’est donc le processus de décolonisation en lui-même qui est remis en question par les nouveaux dirigeants du camp non-indépendantiste. Une posture qui se ressent à travers ce discours radical visant à demander le retrait de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU, à exiger l’ouverture du corps électoral sur lequel se base pourtant la citoyenneté calédonienne et l’emploi local, la fin du rééquilibrage et du partage des pouvoirs, la remise en question du statut civil coutumier, l’arrêt des rétrocessions foncières au nom du lien à la terre… toutes ces dispositions protégées aujourd’hui par l’Accord de Nouméa, les nouveaux responsables loyalistes les critiquent ouvertement et n’en veulent pas pour le futur statut dans la République qu’ils appellent de leur vœux.


Tout cela, avec la complicité de l’Etat français dont les responsables appartiennent également à une nouvelle génération pour qui le terme « décolonisation » peut apparaître comme anachronique et dépassé. On peut résolument penser que le Président Emmanuel Macron, Sébastien Lecornu ou Gérald Darmanin sont effectivement moins sensibles aux enjeux de la décolonisation qu’un Mitterrand, Rocard ou Chirac. Et pour preuve, chacun aura remarqué que le Caillou n’est plus présenté comme un sujet expérimental en matière de décolonisation, mais est dorénavant observé depuis Paris sous le prisme de la géopolitique. Quel rôle doit jouer la Nouvelle-Calédonie dans la stratégie indo-pacifique portée par la France et l’Union européenne ? C’est la seule préoccupation de l’Elysée. Il y a donc connivence entre les intérêts de l’Etat et ceux des loyalistes. Les motifs sont différents, mais le moyen reste le même : maintenir le pays dans le giron français. C’est indéniablement un retour aux années les plus sombres qui ont vu les Evènements, lorsque l’Etat avec la complicité de la droite locale faisait la sourde oreille face à la revendication indépendantiste pour des raisons similaires relevant de préoccupations purement géopolitiques (cf conférence de Jean-Marc Regnault, les relations entre la France, le FLNKS et l’ONU (1986-1988), 20 août 2013 – cliquez ici). Et comme il y a 30 ans d’ailleurs, la France devra tenir compte d’un détail important. Celui qui veut que l’ensemble des Etats du Pacifique soutiennent la revendication indépendantiste. C’est le sens de la résolution par laquelle le 51ème Forum des Iles du Pacifique a acté la semaine dernière son rapport critique et controversé à l’égard la 3ème consultation du 12 décembre 2021.


En définitive, les propos de Nicolas Metzdorf visaient donc la légitimité des signataires FLNKS de 1998, en l’occurrence Roch Wamytan, Paul Néaoutyine, Charles Pidjot et Victor Tutugoro. Toutefois, la position du député calédonien va se confronter à plusieurs réalités qu’il oublie volontairement dans son analyse :


- Contrairement au RPCR, le FLNKS ne s’est pas désagrégé et reste le seul interlocuteur indépendantiste au niveau local, national et international ;

- Hormis C. Pidjot qui nous a quitté, les autres signataires exercent toujours un mandat d’élu provincial issu du peuple dont un président de province, un vice-président de province et le président actuel du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

- Enfin, il faudra, une bonne fois pour toute, que les loyalistes et l’Etat comprennent que si le dégagisme se conçoit en Occident et en France, la culture kanak et océanienne est fondée sur un principe selon lequel les aînés sont respectés, les parents honorés et les ancêtres vénérés. Si le renouvellement est déjà en route au sein de la mouvance indépendantiste (cf candidats aux dernières élections législatives), si le tuilage se construit progressivement, il ne pourra se faire au travers de stratégies et de pratiques s’apparentant à du dégagisme. Qu’il en soit ainsi.


En conséquence, la nouvelle génération de responsables au niveau de l’Etat et du camp loyaliste dont les appels au dialogue se multiplient depuis la fin des élections nationales, devra s’attendre à trouver en face d’elle la mémoire et l’Histoire de ce pays qui saura lui rappeler sur quoi nous nous sommes tous engagés depuis 30 ans maintenant. L’avènement d’un peuple calédonien pour un Etat souverain qui demande à redéfinir de nouveaux liens avec la France. La seule solution gage de stabilité pour la Nouvelle-Calédonie.


Enzo

Contributeur de La Lettre NC

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