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Démission des journalistes à Science & Vie : l'influence des grands groupes au travers des médias

Neuf titulaires et pigistes du magazine ont démissionné hier, ne laissant plus qu’un seul journaliste spécialisé au sein de la rédaction, selon un communiqué de la Société des journalistes de Science & Vie. La raison invoquée par les démissionnaires pointe des « désaccords » avec le nouveau propriétaire, Reworld Media. Un cas typique de la stratégie d’influence des grands groupes sacrifiant l’éthique et l’indépendance de la ligne éditoriale sur l’autel de la surrentabilité et du lobbying.


Pour donner un aperçu de la notoriété qui a fait de ce magazine centenaire une référence en termes de vulgarisation scientifique, Science & Vie s’était vendu à 180 000 exemplaires par mois en 2020 et décompte aujourd’hui des millions d’abonnés. Mais, son rachat par la société Reworld Media en 2019 est venu chambouler la vie du mensuel.


Privilégiant une stratégie centrée sur la surrentabilité, Reworld Media imposa tout d’abord une réduction importante des effectifs afin d’externaliser les activités relevant de missions journalistiques. Une décision qui fut l’objet de premières inquiétudes en interne, préoccupées par les conséquences d’un sous-effectif et d’une perte de compétence sur la qualité des contenus. Les départs de Hervé Poirier en octobre 2020 (rédacteur en chef) puis de Mathilde Fontez en janvier dernier (rédactrice en chef adjointe) sont venus confirmer la situation délétère et le sentiment d’incompréhension au sein des équipes du magazine, lequel dégageait pourtant des bénéfices. Entre-temps, un mouvement de grève s’est organisé et une motion de défiance a même été adoptée à l’encontre de la nouvelle directrice des rédactions, Karine Zagaroli.


Les journalistes dénonçaient, en outre, la réorganisation du magazine imposée par Reworld Media enlevant tout filtre préalable à la publication d’articles, mission normalement confiée aux responsables de la rédaction. Cerise sur le gâteau, l’équipe digitale pourtant dépourvue de journalistes, jouit dorénavant d’une totale liberté pour poster des contenus ou republier et rééditer des articles sur le site internet. Des choix qui mettent à mal la déontologie du métier et le principe d’indépendance des rédactions à l’égard des propriétaires du média.


Une situation critique relatée hier par H. Poirier et M. Fontez au micro de France Inter. L’ancien rédacteur en chef indiquait à cette occasion le risque de voir surgir des titres ayant un caractère scientifique de "façade" et dont le contenu n’aurait pour objectif que de servir les intérêts de grands groupes, souvent partenaires des propriétaires ou dans lesquels ces derniers détiennent des participations. Il prit pour témoin deux exemples tirés de ses années de service : le premier, un article sponsorisé par la Compagnie Coca-Cola et vantant les mérites du plastique biodégradable contre lequel il s’était fermement opposé à toute publication dans le mensuel ; le second exemple est lié au nouveau partenaire, en la personne de Google News, qui de par son influence commande au magazine de produire des articles toujours plus « aguicheurs » qui n’ont parfois rien de scientifique.


Plus grave encore, les deux journalistes pointaient également l’absence de mise en page distincte pour différencier les articles de la rédaction, des publicités pouvant vanter les mérites d’un médicament ou diffuser un positionnement sur un sujet scientifique précis. Une pratique volontaire, selon eux, avec pour but de flouer le lecteur en conférant à la publicité un visuel scientifique trompeur.


Cette affaire rappelle ainsi la vulnérabilité des médias face au monde politico-économique et les connivences qui peuvent en découler. Des liens étroits qui, bien souvent, se font au détriment de l’éthique eu égard aux intérêts qui orientent malheureusement le contenu des informations diffusées aux lecteurs. Une stratégie développée en Europe et ailleurs mais aussi en Nouvelle-Calédonie, qu'on se le dise.

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