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L'Etat ne veut plus décoloniser la Nouvelle-Calédonie

Dernière mise à jour : 16 nov. 2021

L’appel à la non participation du FLNKS et des nationalistes ne se restreint pas à une histoire de date ou de crise sanitaire et encore moins de peur. Il faut le comprendre comme une réponse donnée face au changement de braqué de l’Etat qui, à la sortie de l’Accord de Nouméa, se désengage de manière flagrante du processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie par peur de perdre ses intérêts ici et son influence dans le Pacifique.

Lorsque l’Accord de Nouméa a été signé en 1998, les responsables politiques calédoniens et l’Etat se sont engagés dans un processus de décolonisation. Consacré au niveau constitutionnel, ce processus acte la reconnaissance de l’identité kanak et des autres communautés, du fait colonial en Nouvelle-Calédonie, du droit à l’autodétermination et de la vocation du pays à accéder à l’indépendance. C’est bien là une différence fondamentale vis-à-vis des accords de Matignon-Oudinot de 1988 qui néanmoins étaient nécessaires pour retrouver la paix civile et enclencher le rééquilibrage.


Validé par les Calédoniens à 72% et reconnu par la communauté internationale, l’Accord de Nouméa constitue un processus inédit dans l’histoire française de la décolonisation. Pour la première fois, l’Etat français, puissance administrante, s’engageait devant le monde entier à réussir la décolonisation de l’un de ses territoires, objectif rappelé continuellement par les précédents gouvernements de la République.


Depuis maintenant trois ans, la Nouvelle-Calédonie est entrée dans la phase référendaire prévue par l’Accord de Nouméa. La question qui est posée consiste ni plus ni moins à savoir si les Calédoniens souhaitent que l’Etat procède au transfert des dernières attributions de souveraineté dites « compétences régaliennes » (justice, ordre public, défense, monnaie et affaires étrangères).


En 2018, contre toute attente et à contre-courant des sondages et pronostics qui prédisaient un NON massif, la 1ère consultation du 4 novembre se solde sur une victoire « amer » pour les partisans du maintien dans la France comptabilisant 57% des voix contre 43% de OUI.


C’est en réaction à ce rapport de force inattendu, que l’Etat sort progressivement de sa position neutre pour voler au secours d’une Droite locale incapable de garantir suffisamment le maintien du pays dans le giron français. Ainsi, l’Etat n’arrive visiblement pas à concilier son obligation de décoloniser la Nouvelle-Calédonie avec la sauvegarde de ses intérêts stratégiques et géopolitiques dans le Pacifique. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir eu des propositions de discussions sur la pleine souveraineté en partenariat (projet de l’UNI) ou sur un accord d’interdépendance (projet de l’UC), options qui permettraient indiscutablement de converger les intérêts de tous les partenaires et d’apporter des garanties face aux craintes de l’indépendance.


Choisissant cependant de ne donner aucune réponse sérieuse aux propositions consensuelles des indépendantistes, l’Etat décide dès la préparation de la 2ème consultation de s’engager pour le NON marquant dès lors son retrait du processus de décolonisation initié depuis 1998 sous le regard de la communauté internationale. Les faits ne mentent pas et sont bel et bien là :


· Pour la 2ème consultation, l’Etat autorise unilatéralement les non-indépendantistes à afficher le drapeau national tricolore sur leurs supports de campagne officielle alors que le code électoral l’interdit formellement ;


· Les travaux d’élaboration du document sur les conséquences du OUI et du NON menés en commun (Haut-commissariat, indépendantistes et non-indépendantistes) ont été interrompues par la crise covid-19 de mars 2020 mais n’ont jamais été finalisés avant le scrutin sans aucun motif réel et sérieux.


Suite à la progression remarquable du OUI à la 2ème consultation (+4 points), l’Etat intensifie son entreprise en faveur du NON et ne cache même plus ses orientations pour le dernier scrutin :


· L’Etat décide unilatéralement d’élaborer un nouveau document étoffé sur les conséquences du OUI et du NON sans même associer les partenaires politiques locaux afin de pouvoir orienter librement son contenu à charge contre le OUI en évoquant le seul cas d’une indépendance sèche ;


· Dans le cadre de la vente de l’Usine du Sud appartenant à la multinationale VALE, Paris méprise gravement le projet « pays » porté par les populations locales et le mouvement indépendantiste en se réfugiant derrière le caractère privé de la transaction alors que l’Etat est un des bailleurs de fonds du projet industriel minier ;


· Le Gouvernement français prend clairement position pour le NON à travers les récents propos du Premier ministre Castex devant le Sénat le 21 octobre dernier « Après le président de la République et avec le ministre des outre-mer, notre souhait fort que le choix des Néo-calédoniens soit celui de la France » ;


· Enfin, l’Etat décide de maintenir la date du 12 décembre 2021 en dépit des interférences avec la campagne présidentielle et malgré les impacts de la crise sanitaire à laquelle la Nouvelle-Calédonie sort profondément meurtrie. Tout ceci ne permettant pas d’organiser une campagne éclairée et dans des conditions acceptables à la hauteur des enjeux de cette ultime consultation.


A cela, s’ajoute un changement de méthode où le consensus laisse place dorénavant à la décision unilatérale et partisane de l’Etat sans même chercher à réunir le Comité des signataires depuis octobre 2019, seule instance reconnue par l’Accord de Nouméa pour suivre et veiller à sa mise en œuvre.


L’Etat ne veut donc plus décoloniser la Nouvelle-Calédonie et ne reconnaît plus son droit à l’indépendance. La France se rétracte et fait campagne pour le NON craignant de perdre ses intérêts et son influence dans la région. C’est bien face à ce constat et pour rappeler à l’Etat français ses engagements, que l’ensemble du mouvement indépendantiste appelle à ne pas participer à la consultation du 12 décembre prochain pour ne pas cautionner un scrutin tronqué d’avance et une politique coloniale qui mènera assurément notre vivre ensemble dans une impasse mortifère.



JB, contributeur de la LA LETTRE NC

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