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Comité des signataires en septembre : à quoi joue l'Etat en Nouvelle-Calédonie ?

L’annonce a eu l’effet d’une bombe dimanche matin. Le ministre de l’Intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin a décidé d’annuler son déplacement et celui de Jean-François Carenco en Nouvelle-Calédonie prévu dans une semaine. Paris a préféré ressortir de son chapeau le regretté et oublié Comité des signataires qui ne s’était plus réuni depuis novembre 2019, soit près de 3 ans. Mais à quoi joue donc l’Etat ?


Jean-François Carenco, ministre délégué aux outre-mer, le martelait encore jeudi matin au micro de NC 1ère la radio : leur séjour au pays qui devait débuter le 26 juillet avait pour maître-mot « écouter ». Ecouter chacun des acteurs locaux afin d’envisager un retour au dialogue dans les meilleures dispositions :


« D’abord écouter, écouter, écouter. Et construire ensemble […] Et avant d’écouter, je voulais juste dire bonjour, dans le respect du peuple kanak, de toutes les communautés de Calédonie. Et on va essayer de voir comment on fait » (Jean-François Carenco, NC 1ère la radio, 14 juillet 2022).


L’écoute, c’est l’exercice auquel les sénateurs de la commission des lois se sont prêtés fin juin avec un certain succès, il faut le reconnaître. L’ensemble des partenaires politiques et la société civile avaient accepté d’échanger avec les parlementaires au travers d’une trentaine d’auditions. Malheureusement, trois jours après cet interview de Carenco, le ministre Darmanin annonce par voie de communiqué l’annulation de leur visite et la convocation d’un Comité des signataires à Paris devant se tenir début septembre. Après l’option « écoute » sur place, l’Etat décide finalement d’user d’autorité pour réunir tout le monde autour de la table à 22 000 km de Nouméa.


Mais comment l’Etat peut croire que forcer de cette façon les indépendantistes puisse être la meilleure méthode pour envisager une reprise du dialogue après avoir méprisé avec condescendance les demandes du FLNKS avant la 3ème consultation. La visite prévue fin juillet pouvait justement permettre de réamorcer quelque chose au regard de la méthode annoncée centrée sur « l’écoute ». Que nenni ! Marche arrière toute et virage à 180 degrés une semaine avant leur arrivée.


Comment l’Etat peut expliquer ce revirement de dernière minute si ce n’est l’influence de Sonia Backes sur cette décision, confirmant ainsi l’idée qu’il faut dorénavant considérer l’Etat et les loyalistes comme un unique et seul partenaire (cf tribune du 7 juillet 2022 - cliquez ici).


Comment l’Etat peut croire que les indépendantistes répondront à l’appel après que Paris ait volontairement snobé le Comité des signataires depuis novembre 2019 contre leur souhait. Rappelons, en effet, qu’en réponse à la demande des indépendantistes de tenir un Comité des signataires avant la 3ème consultation, l’Etat, par la voix de l’ex ministre des outre-mer Sébastien Lecornu, avait estimé que le Comité n’était plus du tout pertinent et a donc souhaité changer la méthode en misant sur des formats de rencontre « batards » et ambigus type groupe Leprédour. Un choix qui, malheureusement, n’a fait que détériorer le dialogue entre partenaires au désavantage des partisans du OUI.


Comment l’Etat peut croire à une participation des indépendantistes à ce Comité des signataires alors que ces derniers n’ont cessé de réclamer des bilatérales si reprise des discussions il devait y avoir.


Comment l’Etat peut croire que les indépendantistes viendront à Paris pour « clôturer le cycle des accords de Nouméa » comme a laissé entendre l’entourage du ministre Darmanin. Alors que le projet de résolution du Comité de décolonisation de l’ONU adopté en juin et le rapport du Forum des Iles du Pacifique validé la semaine dernière à Suva ont tout deux un regard critique sur l’attitude de l’Etat français et questionnent clairement la légitimité des résultats de la 3ème consultation.


A travers ces multiples interrogations, c’est en premier lieu le sentiment d’un Etat qui ne sait plus par quel bout réenclencher le dossier calédonien.


Cependant, tout le monde aura remarqué que le ministre de l’intérieur et des outre-mer a été plus ferme et orienté dans sa communication samedi soir. Ce n’est plus l’Etat qui vient au pays mais ce sont les partenaires politiques locaux qui sont sommés de rejoindre la mère patrie pour un ultime Comité des signataires. L’objectif ? Darmanin a été clair sur twitter : « engager les discussions sur l’avenir de l’archipel au sein de la République française ». Pourtant, Elisabeth Borne, Jean-François Carenco et lui-même n’ont jamais été aussi orientés dans leurs propos ces dernières semaines. L’Etat affiche donc clairement sa position aujourd'hui pour les discussions et prend ainsi le risque de crisper dès le début les tentatives de dialogue. Une attitude qui s’inscrit surement en réaction au 51ème Forum des Iles du Pacifique qui s’est déroulé la semaine dernière à Suva et qui a vu l’ensemble des Etats insulaires de la région rappeler leur soutien indéfectible au mouvement indépendantiste. Un épisode qui n’a pas du tout plu à Paris puisque fragilisant de facto la stratégie indo-pacifique portée par la France (cf article du 14 juillet 2022 – cliquez ici).


Quoiqu’il en soit, les réactions ne se sont pas fait attendre. Les composantes du FLNKS ont déjà remis en cause la tenue de ce Comité des signataires. De manière plus nuancée, l’Eveil océanien s’est interrogé sur ce « changement de braqué » de l’Etat pour reprendre les termes de son président Milakulo Tukumuli. Thierry Santa s’est quant à lui félicité de cette annonce tout en questionnant la pertinence de ce format au regard des positions prises par les indépendantistes ces derniers mois. Au final, le risque d’assister à un monologue début septembre à Paris est bien réel puisqu’il y a de fortes chances que les indépendantistes décident unanimement de boycotter cette nouvelle « mascarade ».


A quoi joue donc l’Etat ?



JB

Contributeur de la Le Lettre NC

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